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Entre destruction des ponts et contruction des murs

Dernière mise à jour : 12 nov.

Commémoration des 31 ans de la destruction du Vieux pont de Mostar


Genève, le 11 novembre 2024 — Le 8 novembre 2024, la Commission Brassards Blancs, une association genevoise fondée par des jeunes survivants et descendants de victimes de génocide et de nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine, a organisé un événement commémoratif à l’Université de Genève pour marquer le 31e anniversaire de la destruction du Vieux Pont de Mostar. Cet événement, empreint de réflexion et d’émotion, a réuni chercheurs, activistes, membres de la diaspora et citoyens venus explorer la portée symbolique de cette tragédie et ses répercussions à long terme.



La destruction du Vieux Pont : Un acte d’urbicide et ses conséquences


Le 9 novembre 1993, en pleine guerre de Bosnie-Herzégovine, la destruction du Vieux Pont de Mostar représente un acte d’urbicide visant non seulement à effacer un symbole emblématique de la ville, mais aussi à détruire un élément central de l’histoire partagée des habitants de Mostar. Dans les années suivantes,cette attaque a constitué le point de départ d'une réflexion élargie sur les conséquences de la guerre, au-delà des pertes humaines, pour inclure la destruction de symboles culturels et identitaires essentiels à la cohésion sociale.



L’urbicide et ses impacts


Le Dr Aline Cateux, anthropologue et chercheuse en sciences politiques, a ouvert la conférence en présentant une analyse du concept d’urbicide, soulignant son impact sur les paysages urbains et la mémoire collective. Spécialiste de la reconstruction post-conflit et de la mémoire collective, le Dr Cateux a mené des études de terrain approfondies en Bosnie-Herzégovine, notamment à Mostar, où elle s’est penchée sur les effets de la destruction des espaces urbains sur les liens sociaux et la culture communautaire. Après un doctorat en anthropologie obtenu à l’Université de Paris, elle a consacré sa carrière à l’étude des impacts sociaux des conflits, travaillant avec plusieurs ONG et universités pour sensibiliser aux effets durables de l’urbicide sur les sociétés. Selon elle, l’urbicide dépasse la destruction physique et devient un acte stratégique fracturant les communautés et effaçant une histoire partagée. Ainsi, la destruction de lieux symboliques est une atteinte profonde à la mémoire collective, bien davantage qu’une simple dévastation matérielle.


Son intervention a également permis de mettre en avant d’autres monuments de Mostar souvent éclipsés par le Vieux Pont. Elle a évoqué la vieille église orthodoxe, détruite pendant la guerre et récemment rénovée, soulignant l'importance de préserver des sites également significatifs pour la mémoire collective. Le Dr Cateux a rappelé que la destruction de ces lieux laisse des traces indélébiles sur le tissu social et la mémoire des communautés.


Résonances contemporaines : Gaza et la Palestine


En Bosnie-Herzégovine, les stigmates de la guerre sont encore visibles, et les cicatrices laissées par les destructions sont profondes. Cependant, des événements récents, notamment en Palestine, rappellent que l’urbicide et la ségrégation sont des réalités bien au-delà de l’histoire bosnienne. Aujourd’hui, la destruction systématique de la bande de Gaza évoque tragiquement les actes d’urbicide, dès lors que la destruction des infrastructures – maisons, universités, lieux de culture et de prière – vise à effacer une mémoire collective et à anéantir la culture d’une population.



Le Dr Cateux s’est interrogée : "Quels mots devons-nous utiliser pour décrire les destructions que subit actuellement Gaza ? L’ampleur et la systématicité de ces destructions nécessitent peut-être un nouveau terme pour décrire ce qui se produit dans une ville littéralement rasée par les bulldozers."


Politiques de division et de ségrégation

La Dr. Sandra Penić est une psychologue sociale et politique reconnue, titulaire d’un doctorat en sciences sociales de l’Université de Lausanne. Elle est spécialisée dans l’étude de la victimisation collective et de ses impacts profonds sur les émotions, croyances et actions des individus dans les sociétés touchées par les conflits. Ses recherches explorent notamment comment les facteurs structurels et politiques influencent notre perception et nos réactions face à la violence. En tant que chercheuse principale au Département de science politique et de relations internationales ainsi qu'au Centre suisse des sciences affectives (UNIGE), la Dr. Penić nous a fait découvrir comment l’environnement de ségrégation—marqué par des barrières, des checkpoints et des installations militaires—influence les populations locales.


Elle s'intéressera particulièrement à la situation en Cisjordanie pour éclairer l'impact de ces structures sur le bien-être, la cohésion sociale et les attitudes politiques des Palestiniens. Elle a décrit comment la division physique des populations, marquée par des barrières et des points de contrôle, comme en Cisjordanie, défigure le territoire palestinien et bouleverse profondément la vie quotidienne. Ces politiques fragmentent le tissu social et empêchent une résistance collective unifiée, exacerbant les divisions au sein même des communautés.



Le Dr Penić a également souligné que les points de contrôle, loin de favoriser la sécurité, alimentent les tensions en renforçant les humiliations et exacerbant les conflits. Elle a souligné le manque de contacts significatifs entre les populations israélienne et palestinienne, ceux-ci étant limités à des interactions souvent négatives entre populations civiles et forces armées, alimentant ainsi un cycle de méfiance et de violence.



Conclusion

Cette soirée a élargi la réflexion sur l’urbicide et ses impacts, rappelant que, au-delà des destructions matérielles, c’est l’âme des peuples qui est atteinte. L’histoire de Mostar, de Gaza et d’autres régions marquées par les conflits montre que la destruction ne vise pas seulement les structures physiques, mais également les liens sociaux et la mémoire collective, laissant des traces durables dans les sociétés et influençant leur capacité à se reconstruire.



La Commission Brassards Blancs est particulièrement heureuse d’avoir attiré un public jeune, essentiel pour sensibiliser aux enjeux de mémoire et de préservation de notre patrimoine commun.


Nous exprimons notre sincère gratitude aux intervenantes, le Dr Aline Cateux et le Dr Sandra Penić, pour leurs analyses approfondies et leur engagement. Cet événement est un pas de plus vers une meilleure compréhension des processus complexes sous-jacents aux conflits armés et au-delà.


Nos soutiens :

Un merci tout particulier à nos sponsors, sans qui cet événement n'aurait pas pu avoir lieu.


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